Il fut un temps où utiliser WhatsApp était un plaisir absolu.
En bonne réfractaire – et parfois, sans raison véritable, comme toujours chez les entêtés – j’avais résisté à WhatsApp, comme j’avais résisté à Facebook et à Twitter. J’avais bien voulu installer Viber – le nom a mis du temps à se rappeler à mon souvenir – et encore, je l’utilisais rarement.
J’étais un OVNI dans la famille et on se faisait un plaisir de me le faire comprendre. C’était en 2015 que tout cela se passait et franchement, je me faisais une gloire de résister à l’appel des réseaux. J’en entendais souvent parler par mes proches, mais je m’y intéressais si peu qu’il m’était même impossible d’épeler nettement le nom de l’application.
Les premiers contacts
Un jour, pourtant, il a bien fallu m’y mettre. J’ai bien dû télécharger l’application. J’avais cédé aux prières après qu’on a justement argué le fait que cela me permettrait de garder le contact avec les proches restés à l’étranger. Comme beaucoup de personnes j’imagine, l’originalité de l’interface et la nouveauté de ce réseau intimiste où chacun pouvait parler et réagir instantanément m’avait beaucoup plu. En lisant je pouvais facilement caractériser le ton de mon frère, l’expression de ma sœur, la boutade très typique de la maison. Je pouvais notamment découvrir des choses dont je ne soupçonnais pas l’existence à travers des photos mis en partage et que chacun pouvait commenter sérieusement quand l’heure n’était pas à la légèreté.
Plus que cela : on pouvait même créer plusieurs groupes dédiés à une préoccupation particulière. Il fallait veiller à ne pas mélanger religion avec des sujets plus légers. De même, parler de la gestion de la maison était un sujet à circonscrire dans un groupe dédié. Les membres de la famille concernés par ce sujet étaient invités à rejoindre le groupe.
Franchement, être sur WhatsApp résolvait bien des écueils. La distance géographique, la difficulté à se réunir en famille étaient autant de difficultés quotidiennes réglées par ce réseau magique.
2023 : ça se complique
Si, quelques huit ans plus tard, les avantages du réseau sont restés, force est de constater que le plaisir n’est nullement au rendez-vous. Franchement, je n’en peux plus de ce réseau et, si ce n’est à cause du travail ni à cause de la présence de membres de la familles demeurant à l’étranger, j’aurais retiré l’application depuis une belle lurette. Huit ans plus tard, on se sent prisonnier de ce réseau. Au lieu d’être une facilité, les réseaux de messagerie instantanée sont un fardeau de plus sur le poids mental conséquent.
Il y a toujours urgence à lire un message, à y répondre, ou à traiter l’information relayée dans les délais les plus rapides et le plus efficacement possible. Être sollicitée pour d’infinies taches à accomplir n’est certainement pas de tout repos. D’aucuns se plaignent de la charge liée à leur vie professionnelle, mais je suis d’avis que celle liée aux réseaux est tout autant chronophage et stressante. On a l’impression de vivre chaque instant avec les membres de sa famille, les collègues de travail et les amis ou connaissances.
Contre l’hégémonie des réseaux
Mon naturel d’ours reprend des couleurs et mon désir de solitude proteste contre l’hégémonie de réseaux sur ma vie. Inutile de m’étendre davantage pour comprendre que la seule option pour retrouver un semblant de paix est de me retirer du réseau. Ce n’est pas faute d’avoir mis certains groupes en silencieux, ou d’avoir déserté certains groupes (même s’il faut parfois envisager, pour une énième fois, de recréer un groupe pour l’Aïd).
Je crois qu’il est possible de maintenir les liens avec ses proches, même à l’ère de l’interaction extrême, en puisant dans les premières ressources de communication. La messagerie classique a un charme tout nouveau pour moi. Bien que tombé en désuétude, il me permet de parler avec mes proches sans être terrorisée par les « Vu » intrusifs. Je sens que de nouveau, je peux parler au rythme qui me convient, sans me sentir observée ou évaluée pour ma capacité à répondre rapidement.
Vers d’autres réseaux sociaux ?
En conclusion, il existe diverses solutions pour communiquer, beaucoup d’autres applications. Mais au-delà de la recherche de l’application idéale se pose la question de notre rapport à l’interactivité et de notre capacité à endurer l’assaut régulier des messages intempestifs. Mettre le téléphone en silencieux ou en mode « Ne pas déranger », « Avion » sont pour moi des alternatives intéressants, mais qui n’empêchent pas de réfléchir sur notre rapport au téléphone et à nos rapports sociaux.