Du divin à l’humain

Une fois, je suis tombée sur un article évoquant les récentes grèves sous le nom de « crise des vocations ». Interpellée par cette expression, que je pensais bien avoir vues ou entendues quelque part, j’ai naturellement tapé cette expression dans le moteur de recherche de Google.

Ma recherche n’a pas duré bien longtemps : j’ai atterri sur un forum où les participants, exerçant l’un des métiers concernés par cette « crise des vocations » décriaient ce brillant euphémisme sur tous les tons. Comparer des métiers dont les conditions d’exercice sont si rudes à une mission spirituelle, exclusivement associée à des personnes qui ont fait le choix délibéré de se vouer à une carrière parsemée de difficultés, c’est glisser dans une association d’idées dangereuses, mettent-ils en garde.

Et je les comprends : penser qu’exercer un métier par vocation, c’est souscrire à des clauses, même les plus insidieuses (comme les lignes minuscules qui composent les interminables contrats d’adhésion) que c’est s’incorporer de manière irréversible à un système déliquescent par obligation, cela me semble un peu exagéré.

Pourtant, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’on a parfois ce rapport un peu cynique avec les femmes qui portent le hijab : si l’on peut parler de vocation dans le choix de porter des tenues légiférées, force est de constater que derrière certains propos élogieux se cachent parfois des intentions en complet décalage.

Définir le choix du hijab à la lumière de termes précis

Si le hijab, de nos jours, n’a jamais perdu sa fonction originelle, force est de constater qu’il renvoie parfois aux yeux de certains un signe bien particulier.

Porter le hijab est souvent l’aboutissement d’un cheminement spirituel. C’est une vocation qui, une fois reconnue comme telle, se fait fort de rester dans le sentier tracé.

Mais pour revenir au terme de vocation, voyons les définitions suggérées par Le Robert : « Mouvement intérieur par lequel on se sent appelé par Dieu. Inclination, penchant (pour une profession, un état) ». Mais les définitions plus détaillées du Larousse vont plus loin, invoquant une « destination naturelle » d’une part, un « penchant particulier pour un certain genre de vie » d’autre part et enfin un « acte par lequel Dieu prédestine tout homme à un rôle déterminé, qui constitue sa fin personnelle, en particulier destination, appel au sacerdoce ou à la vie religieuse. »

Je pense que d’aucunes se reconnaissent dans ces définitions. Porter le hijab c’est une inclination, un des moyens qui concrétisent un peu plus l’adhésion à un mode de vie et à des valeurs.

Là où le bât blesse cependant, c’est dans la représentation du hijab dans la conscience collective.

Vocation et zèle

Dans le cercle familial, le hijab confère une autorité morale en même temps qu’un devoir d’exemplarité. Cette situation, plus ou moins acceptée dans la mesure où ses conséquences varient suivant l’environnement de chacune, peut parfois comporter son lot de difficultés, arrivé à un certain point.

Avez-vous jamais fait l’expérience – ou connu une personne dans une situation comparable – des interpellations dans la rue de la part d’hommes qui recherchent « une épouse musulmane » ? Vous êtes-vous jamais vu reprocher un écart de conduite, blâmable sans doute, mais présenté comme étant d’autant plus inadmissible parce que vous portez me hijab ?

La notion de vocation excuse encore, dans ces circonstances, le recours à certains traitements qu’on ne verrait pas forcément chez d’autres. Dans le milieu professionnel, le hijab est vu comme un biais par lequel la femme s’efface. La notion de pudeur est occultée, ou du moins associée à un imaginaire.

Obéissance et abnégation

Ainsi, celle qui le porte règlerait sa conduite selon les principes de la muette obéissance et de l’abnégation absolue. Cette vision biaisée autorise certains comportements. Le point d’honneur que mettrait une femme à faire respecter les limites qu’elle a établies, ainsi que toute attitude perçue comme déviante – même lorsque, dans les faits, elle ne contredit pas l’éthique islamique – lui attire les foudres d’un public qui manie parfois le chantage affectif. La vocation se mêle donc insensiblement à un zèle mis au service de frères, de parents, de voisins… De ceux qui auraient oublié ou omis la distinction de ces deux postures.

Il serait bon de rappeler pour conclure que le port du hijab est un choix individuel, motivé dans le cadre d’un éveil spirituel et d’un projet d’épanouissement. En aucun cas il n’est censé plaire aux autres, ou envoyer un signal favorable aux initiatives et aux discours déplacés.

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