A quoi pensent les célibataires ?
Au moment où ces lignes sont écrites, un certain nombre de mariages ont été annoncés, d’autres célébrés. On ne saurait faire le compte exact du nombre des évènements de cette nature qui ont parsemé les agendas. Les tantes, les cousines et les amies arpentent à la nuit tombée les avenues ou les ruelles pour rejoindre les salles de fêtes grouillantes de monde et de musique, où défilent déjà des proches enveloppés dans leur tenues les plus recherchées.
A la périphérie de cette accalmie, pourtant, des personnes se distinguent du groupe. Elles étendent douillettement leurs jambes sous leur plaid, confortablement installées, sirotant une boisson dans leur chambre. D’aucuns pointeront un doigt accusateur sur ces personnes, tenues responsables de leur situation doublement disqualifiante : elles ne se mêlent pas aux autres et sont désespérément célibataires.
Plus les années passent, en effet, et moins les opportunités de rencontres se présentent à elles. Une simple raison : beaucoup de prétendants potentiels se sont déjà casés. Chez les femmes célibataires, comme, sans doute, les hommes, la situation maritale justifie l’intervention de proches alarmés. Ces derniers estiment nécessaire de questionner les choix de vie des intéressés, et se donnent pour mission de les faire réa.
Pour ne rien arranger au problème, beaucoup, lorsqu’ils prennent l’affaire en main, veulent amener à déconstruire des a priori nourris selon eux par leur amie, parente ou connaissance.
1) Les femmes célibataires occultent le mariage au profit de leurs études et leur carrière
En tête des préjugés, mentionnons l’idée selon laquelle les jeunes personnes n’auraient pas les bonnes priorités : le mariage devrait rester dans la ligne de mire de tous, mais les études et une ambition professionnelle déraisonnables détournent de préoccupations plus louables. Derrière ce reproche, aussi, émerge un choix plus profond : les jeunes personnes défendraient l’individualisme au détriment de l’élaboration d’un avenir à deux.
2) Les femmes célibataires négligent le mariage par insouciance
L’horloge biologique et la crainte des effets de l’âge sont les poncifs des sermons de l’entourage lorsqu’ils cherchent à mettre en garde contre l’insouciance présumée des intéressées. Trop d’insouciance, trop de confiance empêcherait une mesure exacte du temps, des limites du corps. En plus de tremper à l’envi dans un individualisme incontrôlable, les jeunes ignoreraient les évolutions physiologiques, d’autant plus compromettantes pour un mariage lorsqu’il se fait tard.
3) Les femmes célibataires sont trop compliquées
Pour ne rien améliorer, l’ambition stimulée dans le domaine professionnel se reporterait, dans la recherche du mari idéal. Cette transposition présenterait ses failles, car on ne peut mélanger deux sphères qui ne présentent pas, à première vue, les mêmes besoins. C’est là où le bât blesse : les célibataires sont à la poursuite d’un idéal, déconnectées des réalités, incapables de concessions, d’ajuster leurs projets aux occasions à leur portée.
4) Les femmes célibataires ont des blocages irrationnels
A cause des raisons précédemment citées, les femmes célibataires restent sur le carreau. « Elles ont tardé à choisir, et maintenant faire un choix relève de l’impossible » : à force de reporter à plus tard la prise d’une décision fatidique, les célibataires restent éternellement seules. Figées par la crainte d’un saut décisif et irréversible, elles baignent dans la certitude illusoire de faire toujours les bons choix. Elles s’enveloppent dans leur morgue et s’isolent de leur entourage qui, lui, continue d’avancer et de former des projets.
Des préjugés qui ont la peau dure
Résumer le célibat à une affaire d’individualisme débridé, d’égo surdimensionné ou d’insouciance coupable, c’est se détacher des réalités. Croire que le mariage ne fait plus partie des projets de chacune, c’est faire fausse route. S’imaginer que le célibat est un choix pour tout le monde, un mode de vie emprunté aux Occidentaux, inadapté à nos sociétés plus conservatrices, c’est ignorer ou ne pas mesurer pleinement les enjeux de notre époque.
C’est occulter le fait qu’une nouvelle génération émerge, au croisement de plusieurs identités, plusieurs choix de vie, parfois difficiles à prendre (parce que leurs conséquences ne sont jamais certaines, parce qu’ils sont une nouveauté), et que dans ce brouillard épais effaçant toutes les lignes, il est difficile de définir ses propres repères.
Voir plus loin que le bout de son nez
Se définir et s’épanouir en tant que croyante, citoyenne, tante, cousine, enfant ou sœur sont des enjeux de tous les jours. Comptons également les responsabilités de chacun, les histoires individuelles qui vont se nourrir de ces identités. et influencer certains choix. Aussi le choix d’un partenaire devient crucial pour la jeune femme qui jongle avec plusieurs étiquettes à la fois, car elle a besoin d’être reconnue dans sa diversité par la personne qu’elle choisira. Il est bon de nommer les choses comme elles sont, d’observer les situations dans une perspective plus large. Et, surtout, de demander la permission de s’impliquer dans la vie de chacun.